Article 2 — La peur de mourir
De l'intérêt d'un système de jeu dangereux
BLOG HARDI
Bonjour à tous,
Je continue ma série illustrant certains points forts de Hardi.
(les valeurs chiffrées citées dans cet articles ne sont plus à jour suite à des ajustements des règles, mais les principes énoncés restent valables).
La peur de mourir
Avec Hardi, je voulais des PJ qui soient héroïques et capables, mais qui ne se sentent jamais à l'abri du danger, ou d'un mauvais coup reçu malencontreusement. Rien de pire à mon sens que le PJ qui vous dit fièrement en plein combat : "Il fait d8 dégâts avec son épée, j'ai 80 PV, donc j'ai au moins 10 tours peinard pour le finir !".
Pour éviter cet écueil, dans Hardi :
Les PV (Points de Vaillance) sont plutôt limités en nombre.
Jugez plutôt l'évolution d'un PJ qui aurait systématiquement maximisé ses gains de PV au fur et à mesure de sa progression :
Niveau 1 : 2d8 PV max, soit 8 PV en moyenne.
Niveau 4 : 4d10 PV max, soit 22 PV en moyenne.
Niveau 7 : 7d12 PV max, soit 46 PV en moyenne.
Niveau 10 : 10d12 PV max, soit 65 PV en moyenne.
Niveau 20 : 20d12 PV max, soit 130 PV en moyenne.
Si un PJ est bien mis hors d'état de nuire une fois à 0 PV, les Points de Vaillance remontent à leur maximum après quelques minutes de pause (donc souvent à la fin de chaque combat).
De plus, les PV sont tirés au dé après chaque repos (8 h de sommeil et un repas), avec dés·avantage selon la situation. Il y aura donc des jours où vous serez en pleine forme, et des jours où vous ne serez pas bien vaillant.
Un PJ ne peut encaisser que 27 blessures, peu importe son nombre de PV.
Dès la 28e, il est mort. On reçoit des blessures à chaque coup critique (autant de blessures que de dégâts reçus) ou lorsque l'on reçoit des dégâts en étant à 0 PV (si une attaque vous fait passer à 0 PV, les dégâts excédentaires sont infligés sous forme de blessures).
Rajoutez à cela que les blessures demandent de longues périodes de soin pour être soignées, qu'elles ont une chance croissante d'infliger des désavantages et des séquelles (perte de point dans une caractéristique) et que les plus graves ne vous laissent que quelques tours à vivre, et vos Joueurs et Joueuses craignent réellement pour leur PJ, même face à des adversaires faibles, qui ne sont pas à l'abri d'un coup de chance aux dés.
Les soins (y compris magiques) sont bien moins permissifs et efficaces que dans les autres jeux.
Ça ne sert à rien de faire craindre aux PJ les blessures si le moindre coup de baguette magique les guérit instantanément ! J'aborderai la magie dans un futur article, mais en gros, si un PJ veut lancer un sort pour guérir des blessures, il va lui-même en subir (voyez ça comme un transfert de blessures), et il a 50 % de chance seulement d'en guérir plus qu'il n'en subit.
Quant aux potions de soin, leur prix et leur rareté évitera que le groupe n’en trimballe des litres.
Enfin, je teste en ce moment un mécanisme similaire à l'"escalation dice" de 13eme Age.
Appelé “dé d’aggravation”, c’est un dé qui sert de compte-tour, mais aussi de bonus croissant qui vient s'ajouter aux jets d'attaque des deux camps, afin d'augmenter les chances de critiques (qui ont lieu dans Hardi sur un 20 naturel, mais aussi quand le jet d'attaque dépasse 25) et donc la létalité des combats.
Après tout, un vrai combat est épuisant, et il semble logique que chaque camp ait de plus en plus de mal à parer et esquiver efficacement les attaques de ses adversaires. Je verrai comment ça “rend” en conditions réelles …
Tout ceci rend les combats tendus, car durs et surtout imprévisibles.
Voici la suite de l'article de la semaine dernière, avec des exemples tirés de situations de jeu vécues.
La peur de mourir — par l'exemple
Premier combat
Leur tout premier combat — contre un hibours (4 DV) qu'ils sont allés titiller dans sa tanière alors qu'ils n'étaient que niveau 1 — s'est soldé par une fuite précipitée dès le 2e tour, après qu'un des PJ se soit retrouvé sur le carreau et salement blessé dès la première attaque de la bête. Ils ont immédiatement compris qu'ils n'étaient pas dans leur jeu Fantasy habituel, et qu'ils allaient devoir ruser un peu au lieu de foncer tête baissée et épée en avant.
Quelques jours plus tard, le blessé ayant été pansé et se remettant lentement, ils ont creusé une fosse garnie de pics en bois, se sont armés de lances (pour frapper la bête avant qu'elle ne puisse riposter — j'aborderai dans un autre article l'initiative dans Hardi), et ils ont pu facilement tuer la dangereuse créature.
Démonstration de puissance
Au cours d'un one-shot (Le mont Saint-Mikkel, disponible gratuitement sur le site) avec 2 PJ de niveau 6, lors du combat final contre Sauroctone, j'ai eu un coup de chance aux dés qui a permis de montrer que les PJ ne doivent jamais se sentir invulnérables et doivent rester sur leurs gardes.
Nous sommes au 3e tour de combat, et les PJ ont déjà subi des dégâts. Mon boss a lui déjà perdu plus de la moitié de ses PV, et il utilise sa dernière action du tour pour incanter une frappe démoniaque (+2d6 dégâts à sa prochaine attaque).
Arrive le 4e tour de combat. Mon boss encaisse encore des dégâts et se trouve mal en point. J'attaque un PJ à qui il ne reste que 2 PV dans l'espoir de le mettre hors d'état de nuire. J'attaque, et je fais un critique (le boss à +8 à l'attaque, ce qui revient à critiquer sur 18-20). Je lance mes dégâts (1d10+1 de son arme, + 2d6 de la frappe démoniaque) et obtiens 18.
Le PJ perd donc 18 PV : il lui en restait 2, il tombe à 0 et subit les dégâts excédentaires sous forme de blessures, soit 16 blessures. Plus les 18 blessures infligées par le critique (si dans les autres jeux, on double les dégâts en cas de critique, dans Hardi, un critique inflige à un PJ autant de blessures que de dégâts).
Je viens d'infliger 34 blessures en une seule attaque… je viens de littéralement couper le PJ en deux ! Les deux moitiés de son corps s'effondrent au sol sous les yeux incrédules de son compagnon, qui parviendra à venger sa mort au round suivant en tuant mon boss.
"Ben c'est normal que tu l'aies tué, il lui restait que 2 PV !"
Hé non ! Souvenez-vous que les PV dans Hardi sont l'image de la vaillance du PJ, pas du tout de son état physique. À 2 PV le PJ est certes presque démoralisé ou épuisé, mais encore parfaitement intact et pas blessé du tout.
Inutile de vous dire que l'on n'a parlé que de ça le lendemain, et qu'à l'avenir, ils réfléchiront (à se protéger, à fuir…) au lieu de bêtement taper dans le tas.
Quand la peur de mourir vous pousse aux pires extrémités
Avec toutes ces démonstrations, les PJ sont désormais plus prudents en combat.
Au point que tout récemment, l'un deux — pensant, dès le deuxième tour, leur combat contre le fantôme d'un mage meurtrier sanguinaire fort mal engagé — décide de négocier avec celui-ci un cessez-le-feu en lui offrant… l'hospitalité !
Oui, oui. Il lui a proposé de cesser les hostilités et d'investir son corps, afin que le fantôme puisse "vivre" à nouveau ! On joue une célèbre campagne Pathfinder, et vu la personnalité du fantôme et son passif, je doute que l'offre l'intéresse. Ce cas n'est évidemment pas prévu dans le scénario, mais après tout, pourquoi pas, il faut savoir accepter les propositions des joueurs, tout au moins leur laisser une chance, au lieu de dire bêtement "euh… non, c'est pas prévu dans le scénario".
Je lui demande donc un test de Charisme avec le désavantage… Après 2 beaux jets de sa part, me voilà en train de négocier les conditions de cette cohabitation inhabituelle. 😂
Je ne sais pas pour vous, mais moi c'est la première fois que je vois un PJ négocier une collaboration avec le Grand Méchant du scénario plutôt que de risquer un combat qui s'annonçait dangereux (je vous rappelle qu'on en était qu'au 2e tour, deux PJ seulement avaient reçu des coups, mais tous étaient debout, on était encore loin du TPK).
Bref, faites peur à vous joueurs, ils vous surprendront en échange !